Jean Claude Owono Menguele. L’ambassadeur du Cameroun en Guinée Equatoriale n’est toujours pas fixé sur la bonne information concernant les compatriotes rapatriés par les autorités guinéennes.

L’opération des contrôles de titres de séjour engagée par les autorités Guinéennes vous a-t-elle été annoncée ?

L’opération a été précédée par des réunions d’informations au début du mois d’août 2021 par des autorités Equato-Guinéennes compétentes avec les représentants des communautés étrangères vivants en Guinée Equatoriale. Et l’ambassade du Cameroun en Guinée Equatoriale était représentée. A l’issue de cette réunion, j’ai fait un communiqué à l’endroit de la communauté Camerounaise par rapport aux attentes des autorités équato-guinéenes.

Nous expliquions dans le communiqué que les opérations de production des titres de séjour qui avaient été interrompues pour diverses raisons reprenaient. Et à ce titre, un certain processus avait été proposé qui partait du chef du quartier jusqu’à la mairie ; et également jusqu’à la production du document en question.

Si mes souvenirs sont bien, mon communiqué a été signé le 5 août. Il s’agissait d’une procédure en trois étapes : au chef de quartier, à la municipalité et auprès du chef de la police. Voilà ce qui à mon avis peut être considéré comme un signal par rapport aux contrôles qui allaient se déclencher quelques mois après.

Si oui quand ? Sinon comment êtes-vous informé ?

Dans un premier temps, nous avons été informés par des Camerounais à partir du 1er novembre. Par la suite, immédiatement, nous avons saisi le ministère des affaires étrangères qui est notre porte d’entrée ici, par note verbale, pour nous inquiéter de la situation et avoir la possibilité de connaitre quels sont les compatriotes qui sont arrêtés afin que nous leur apportions un appui. Cette note verbale a été déposée le 2 novembre 2021. Deux jours plus tard, le Ministre des affaires étrangères et de la coopération de Guinée Equatoriale S.E. Siméon Oyono Ange  Essono a reçu les ambassadeurs des pays africains pour leur expliquer le fondement de la décision de faire contrôler les titres de séjours des étrangers. Une communication suivie d’un rapport de l’ambassadeur que je suis à Yaoundé, au Ministère des Rélations Extérieures.

Vous signez un communiqué le 3 novembre dans lequel vous signaler que certains compatriotes retenus à Malabo avaient reçu de l’aide consulaire. Vois ne signalez rien sur ceux détenus à Bata. Est-ce à dire que ceux de la partie continentale devaient se débrouiller ?

Mon communiqué du 3 novembre 2021 s’adresse à toute la communauté Camerounaise en Guinée Equatoriale. Et les dispositions qui sont prises pour nos compatriotes le sont à Malabo par l’ambassade et ceux de Bata pour ceux qui sont sur la partie continentale à travers le consulat du Cameroun à Bata. La Guinée Equatoriale a ceci de particulier que la capitale se trouve sur une île (l’île de Bioko), alors qu’une grande partie du territoire se trouve sur le continent avec pour pôle d’attraction, la ville de Bata.

Le Chef de l’Etat, S.E. Paul Biya a créé ce consulat à Bata, et a déjà créé un autre à Mongomo pour couvrir plus efficacement le pays de ce côté-là, parce que la communauté Camerounaise est suffisamment importante et assez représentative. Et donc, le président a trouvé nécessaire de créer des consulats pour relayer l’action du chef de mission qui se trouve sur l’île. Donc nos compatriotes de la partie continentale ne sont pas délaissés.

Plusieurs informations font état de ce que même les propriétaires de titres de séjour sont expulsés. Est-ce vrai ?

Je ne suis pas en mesure de confirmer si l’information concernant l’expulsion des titulaires des titres de séjour en bonne et due forme est avérée. Parce qu’au niveau de l’ambassade, nous n’avons pas reçu des plaintes de compatriotes dans ce ses-là. Et si nous avons des preuves, parce qu’une opération de grande ampleur comme celle-là, selon la manière dont elle est menée sur le terrain par des éléments quelques fois incontrôlés, s’il y a des erreurs, c’est normal l’erreur étant humaine, elles vont être corrigées, ça c’est sûr. Mais jusqu’au moment où je vous parle (dimanche le 14 novembre 2021, ndlr), je n’ai pas reçu des plaintes des compatriotes concernant cet aspect.

On a vu plusieurs compatriotes chassés par voie de mer par Campo. Êtes-vous souvent présents (vous les autorités consulaires) au moment où vos compatriotes embarquent pour retourner au pays ?

S’agissant des compatriotes rapatriés par Rio Campo, la première vague l’a été le samedi 6 novembre. L’opération avait commencé vendredi soir. D’après les informations que nous avons eues, ils étaient 46 qui ont été pris au centre multisport de Malabo à la suite d’un incident au sein de la communauté camerounaise. En tant que tel, il s’agissait de la disparition d’une Camerounaise. Parce qu’ils étaient 47 et les autorités du centre de détention provisoire se sont rendus compte qu’une dame manquait à l’appel. Ce qui a fait que les Camerounais soient enlevés de là où tous les étrangers étaient détenus et par la suite, on les aurait transportés par avion jusqu’à Bata à l’insu aussi bien de l’Ambassade que du consulat. Mais ce sont les Camerounais eux-mêmes qui nous ont donné cette information.  Ils ont été transportés par avion militaire jusqu’à Bata et de Bata jusqu’à Rio Campo par des camions.

Quand j’ai eu l’information dans la nuit du 5 novembre 2021, j’ai immédiatement pris l’attache des autorités frontalières au niveau de Ebebeyin et Kye-Ossi, et j’ai contacté le préfet de la vallée du Ntem. Et personne n’avait vu passer ces camions. Ils seraient donc passés par Campo, d’où on les a mis dans les pirogues et le BIR les a pris et les a identifiés. Je crois que c’est le samedi autour de 7 heures 30 qu’ils ont été remis aux autorités de l’Emi-immigration du Cameroun pour des auditions.

Et je pense que ceux de Bata qui ont été rapatriés l’ont été par le même chemin.

Quand j’ai été au courant le 6 novembre, j’ai contacté le ministre des affaires étrangères et de la coopération de Guinée Equatoriale, pour m’inquiéter de ce que je venais d’entendre. Surtout que le 4 novembre au cours de la réunion avec le corps diplomatique africain, il avait sollicité officiellement l’assistance ou l’appui des pays amis pour faciliter cette opération de contrôle des titres de séjour et donc de rapatriement des étrangers sans papiers et ne justifiant d’aucune activité en Guinée Equatoriale.

Vous avez initié des pourparlers avec les autorités Guinéennes. Qu’en est-il ressorti de vos multiples audiences annoncées ?

A une des audiences, j’ai déploré le fait qu’on n’ait pas associer la mission à Malabo, encore moins le consulat de Bata pour la première opération. Parce qu’il faut le noter, la première communauté étrangère à être expulsée, c’était celle du Cameroun. Les autres communautés ont pris le relais après. Nous avons aussi demandé qu’il nous soit précisé la procédure et les conditions d’obtention des permis de résidence afin que nous ayons la bonne information.

 Le Cameroun et son voisin ont ratifié plusieurs traités, dont celui du protocole de rapatriement. Comment expliquer ces comportements des autorités Guinéennes dans leurs opérations militaires ?

Les deux pays sont liés à travers les textes intégrateurs de la CEMAC avec des obligations et des droits. S’agissant des problèmes de la libre circulation des biens et des personnes, il est entendu que pour les titulaires des passeports biométriques, entrent et séjournent dans l’autre pays pendant une durée maximale de trois mois (90 jours). Au-delà de laquelle, les concernés, s’ils veulent s’établir, doivent passer par la procédure d’obtention de titre de longs séjours avec les contraintes du pays en question.

 Certains pays, dont la Côte d’Ivoire, ont affrété des avions pour le retour de leurs compatriotes (volontaires). Et le Cameroun qu’elles mesures prises ?

Nous avons demandé à visiter les sites de rétentions des Camerounais, et à la fin de cette descente sur les terrains, il nous sera facile de faire organiser par la très haute hiérarchie des vols humanitaires. Si nous avons la preuve que des compatriotes en assez grand nombre sont dans la situation, nous le ferons.

Ce n’est pas la première fois qu’une telle opération est menée en Guinée Équatoriale. Que deviennent les biens confisqués de nos compatriotes ?

Nous n’avons même pas encore la liste des personnes rapatriées. Nous avons demandé à l’avoir, et quand nous l’aurons, nous allons leur demander de nous dire ce qu’ils ont comme biens. Certains peuvent même avoir des familles ici. Nous sommes en train de faire des recoupements avec les communautés, les associations et les autorités du pays hôte.

 Quand ils sont expulsés et retournent au pays, quelles sont les mesures prises pour leur réinsertion une fois arrivés au pays?

Je suis assez mal placé pour répondre à une telle question.

Combien de Camerounais sont concernés par cette chasse à l’homme ?

Au stade actuel, il est difficile de connaitre le nombre de Camerounais rapatriés. Mais je suis sûr et certain que beaucoup ont été contrôlés et ont été relaxés et vaquent à leurs occupations. Au moment où je vous parle, plusieurs commerces tenus par les étrangers ont réouverts, et la peur a pris la clé des champs.

 

Propos recueillis par David Eyenguè