Hein le père ? Oui le père !

Un voyage à Bafoussam. Quelque soit le commerçant que vous allez rencontrer dans la capitale de l’Ouest Cameroun, ne vous fatiguez pas d’avaler le nombre de « père » qu’il vous offrira, et soyez gentil sinon…

A l’agence de voyage, je me dirige vers le guichet pour avoir mon ticket. Je prends ma place au fond du rang, environ à 17 personnes du guichet et je m’entends dire ; « le père, c’est ma place hein ! Je suis seulement assis ici parce que j’ai mal aux jambes »

« Ok, mon fils. J’en tiendrai compte ».

Un jeunot vient proposer des cacahuètes : « le père, c’est très sucré ; 100 fcfa la boite. Je peux même vous donner trois boites à 200 »

Et moi : Mon fils, aujourd’hui c’est mardi. Tu n’es pas allé à l’école ?

« Le père je fréquentes le soir : je vends moi d’abord le matin comme ça avant de partir le soir à l’école. On dit quoi sur les arachides le père ? »

Je n’en n’ai pas besoin mon fils, merci. Celui-là est gentil et cherche un autre client. Le prochain petit commerçant est un adulte qui propose des accessoires pour appareils électroniques, écouteurs pour téléphones, clés USB avec musique déjà téléchargée, etc. Il a une radio qui lâche des chansons connues, enregistrées avec une vitesse autre que l’original.

« Le père, il y a les écouteurs pour portables, des chargeurs, des clés USB, des… »

Je le coupe : mon ami, tu ne peux pas baisser un peu le volume de ton appareil là ?

« Ok le père. Vous avez donc besoin de quoi ? »

Non je n’ai besoin de rien tout ça. Je souhaitais seulement que le volume de votre appareil soit un peu bas. En passant mon ami, c’est toujours Sergio Polo qui jouait là, ou c’est une version remix d’un autre artiste ?

« Ça te regarde en quoi le père ? Laisse-moi tranquille »

Mon voisin de devant : « le père, pourquoi tous les commerçants te proposent leurs marchandises ? »

Je ne sais pas. Peut-être que c’est à cause de mon habillement ; comme j’ai ma culotte avec des babouches alors que chacun de vous arbore au moins trois habits sur lui »

« Toi-même tu as compris non le père, on te prend pour un Mbenguetère (revenu d’Europe).  Comme vous revenez de là-bas avec beaucoup d’argent, vous devez donner aussi pour nous »

Donc Douala c’est aussi déjà l’Europe ? Je suis Mbenguetère et je viens faire la queue pour payer 4000 fcfa ?

« Mais le père, pourquoi tu portes alors la culotte alors qu’il ait froid comme ça ? »

Mais nous aurons au moins six heures de route non ? Il fera chaud sur tout le reste du parcours.

« C’est toi qui a raison le père ».

C’est mon tour au guichet.

Bonjour madame.

« Bonjour le père ».

Mais là, je ne suis pas d’accord. Bonjour madame vous dites bonjour Monsieur. Nous sommes quand même en entreprise là !

« Oui le père » !

C’est quand-même une grande agence de voyages non ?  Vous devez recevoir des clients avec un certain confort de langage et autre

« Le père-ci, si tu ne veux pas le ticket, tu quittes là et je prends quelqu’un d’autres. Tu me perds le temps »

Je lui donne 20000 Fcfa (deux billets de 10000) et demande trois tickets.

« Le père vous n’avez pas 2000 ? Si vous avez 2000 je vous rembourse 10000 »

C’est le client qui rembourse maintenant ? C’est quoi ce remboursement de 10000 ?

« Le père, donnez-moi les cartes d’Identité et mettez vous à côté. On va vous servir »

Au petit bistrot dans l’enceinte, pour prendre une boisson chaude : Bonjour Madame

« Bonjour le père »

Madame, dites bonjour Monsieur.

« Le père, ici, nous sommes nous que habitués à dire le père ».

J’ai capitulé. Nos amis touristes qui viendront pour la CAN en auront plein les sacs au moment de leurs retours.

David Eyenguè, les carnets du reporter