Ce passionné de 76 ans encore en activité, rencontré lors d’une visite des installations de la Oyebog Tennis Academy, nous raconte comment le président de la République est arrivé sur les courts de tennis dans les années 60.

 

On vous voit très admiratif des installations de OTA ici à Souza. On peut imaginer que vous avez des filiations avec le tennis ?

Oui, je suis parmi les premiers entraîneurs de tennis au Cameroun.

En quelle année ?

A partir de 1965.

Plus de 55 ans que vous avez commencé dans ce métier ?

Bien sûr, c’est bien cela. Il y a plus de 55 ans, aujourd’hui en 2021, que j’entraine des joueurs de tennis. C’était au temps des blancs. Il n’y avait pas des noirs qui jouaient. Il n’y avait que des joueurs blancs au Cameroun. Et nous, pour essayer de jouer, il fallait d’abord commencer à être ramasseur de balles. Et par là que nous avions commencé à jouer  avec des raquettes en bois. Pas avec des raquettes des blancs. Nous-mêmes fabriquions des raquettes en bois qu’on utilisait. Comme les blancs avaient vu qu’on était intéressés et appliqués, ils nous ont adopté comme les gens qui pouvaient jouer au tennis.

Et là, vous vous êtes présenté comme l’un des premiers entraîneurs de tennis au Cameroun. Vous entraîniez les blancs ?

Oui, en 1969, je suis nommé entraîneur de tennis. C’est depuis cette date que j’ai commencé à entraîner. Et quand l’actuel président de la République Paul Biya est arrivé ici (au Cameroun, ndlr), il revenait de ses études en Europe, je l’ai entraîné au tennis. Il n’est pas seul, il y a les Messomba Samuel, Manfred Ekoko, beaucoup de gens qui ont joué au tennis sont passés par moi. Mais nous-mêmes étions entraînés par certains entraîneurs étrangers comme le Togolais Ayayi, et les Français comme Obone ou Wana. Ils étaient tous à l’Institut National des Sports (aujourd’hui INJS).

Où et quand avez-vous eu Paul Biya comme joueur en votre qualité d’entraineur ?

Au tennis club de Yaoundé en 1969.

Comment Paul Biya arrive-t-il au tennis ?

Mon père fabriquait des assiettes en bois, que je vendais à la sauvette et que je ramenais souvent au tennis club, pour vendre aux blancs. Tous les samedis, je me rendais au village pour aller chercher le matériel fabriqué en bois pour venir le vendre aux Européens qui étaient au tennis. Un jour, je passais à pieds avec mes assiettes sur la tête, j’ai rencontré Jeanne Irène (de regrettée mémoire, épouse du Président Paul Biya, ndlr), qui m’a transporté dans sa voiture. Elle m’emmène dans leur domicile pour acheter ces assiettes. J’étais souvent allé là-bas, pour voir un de mes joueurs. Il était professeur d’Allemand au lycée Leclerc. Il s’appelait Vokel. Biya et sa femme habitaient en bas, et l’Allemand était au premier étage. Elle prend les assiettes et me donne une autre commande de cuillères et de soupières en bois. Lors de cette deuxième rencontre, son mari me trouve et me demande : tu ne vas pas à l’école ? Je lui dis que je fais du tennis. Et non, tu devais d’abord aller à l’école. C’est comme ça donc qu’il se rend au tennis, et c’est là où il a commencé à jouer.

Quel âge aviez-vous à l’époque ?

Ehhhhhh… Je devrais avoir 19 ans.

Quand il vous conseille d’aller à l’école, lui il a quel âge et il fait quoi ?

Je ne pouvais pas lui demander son âge. C’est au moment où il rentrait fraîchement d’Europe.  Il me demandait pourquoi je ne fréquente pas.

Et vous n’alliez plus à l’école pourquoi ?

Parce qu’il n’y avait pas de moyens. Il fallait être dans une famille qui a des moyens pour aller loin avec l’école. A mon niveau, je m’étais arrêté au Cours Moyen deux.

Paul Biya vous demande de retourner à l’école, et vous en retour lui proposez le tennis ?

Quand il m’a demandé pourquoi je n’allais pas à l’école, je lui ai dit que je jouais au tennis, et ça l’a intéressé. Il a donc commencé à venir au tennis. Avant cela, il faisait du vélo.

Et vous l’avez entrainé pendant combien de temps ?

En 1970, quand COGEFAR arrive au Cameroun, ils m’ont sollicité pour aller entraîner leurs cadres là où ils étaient basés à Bagodo, dans le grand Nord. C’est à ce moment-là que j’ai abandonné Yaoundé pour aller vers le nord.

Avez-vous revu Paul Biya après ?

Oui, je l’ai revu. Nous étions ensemble jusqu’à ce qu’il soit nommé premier ministre. Depuis qu’il et monté Président, on ne s’est plus revus.

Vous avez souvenance qu’il a joué encore après vous ?

Oui, il a continué à jouer avec un autre entraîneur, Gabriel Onana. Jusqu’à présent, ils sont ensemble.

Vous voulez dire que Paul Biya joue toujours au tennis maintenant ?

… Il hésite. Je pense, vu que son entraîneur Gabriel Onana est toujours là-bas.

Gabriel Onana est toujours sur les courts de tennis ? L’avez-vous rencontré ces jours-ci ?

Il a eu une entorse. Je ne sais pas s’il était tombé, mais il peut toujours entraîner sans trop se déplacer.

Aujourd’hui, vous avez pris votre retraite ?

Non, je suis toujours sur les courts. J’étais entraîneur sur les courts de l’hôtel Sawa à Douala. Là, je reviens d’un accident de moto qui m’a cassé le pied et  éloigné des courts depuis le 5 février 2019. Mais je reviens.

Quel âge avez-vous aujourd’hui ?

J’ai 73 ans.

Et vous ne pensez pas encore à quitter les courts de tennis ?

Non !

Vous avez certainement une liste des personnalités du Cameroun qui ont joué au tennis et que vous avez entrainés ?

Ils sont très nombreux. Si ma mémoire ne me joue un faux bond, il y a eu Yannick Noah, Joseph Oyebog, ils sont nombreux, comme Ibrahim Mbombo Njoya, Misomba Samuel, Eugène Njo Léa, l’ancien footballeur professionnel. Quand il arrivait au Cameroun pour des vacances, je l’entrainais. Il y avait de nombreuses autres personnes dont je ne peux me rappeler maintenant, comme Noah Jean, l’ancien directeur du Mont Fébé et ancien chef de protocole d’Ahidjo (premier Président de la République, ndlr).

Propos recueillis par David Eyenguè