Jules Dénis Onana. Le défenseur central du Canon de Yaoundé de l’époque avait le rôle de secrétaire des séances au sein de la tanière pendant l’épopée de la Coupe du Monde de 1990.

La sélection pour faire partie des 22 Lions était rude, très rude. Il y avait un rythme effréné des entrainements, de la charge. Quand votre nom était lu parmi les 22 de cette expédition, c’était un grand soulagement. La dose de travail devenait  moins forte, chacun savait désormais qu’il jouera le Mondiale. Mais, cette difficile sélection avait son côté positif, c’était que tous les joueurs sélectionnés étaient prêts, de vrais guerriers. On savait entre nous qu’on pouvait faire confiance à chacun quelle que soit la tâche assignée. Dans le groupe, Zagalo (Ebwelle Ndingue Bertin, ndlr) et moi Jules Dénis Onana avions les postes de responsabilités. Nous étions d’ailleurs les seuls à les avoir. J’étais secrétaire de l’assemblée et Zagalo l’argentier, le trésorier. Des postes donnés « aux petits », car les grands ne peuvent pas travailler pendant que les petits bavardent. C’était toujours le bizutage qui continuait. J’étais chargé de tout écrire, surtout les décisions collectives de revendications et tous les échanges que nous avions avec l’administration, et Ebwelle lui,  était le  collecteur  « des impôts », les amendes. Il y avait une discipline stricte parmi nous, et les contrevenants payaient les amendes au trésorier sans rechigner.

Paradoxalement, malgré deux jours de grève pour les revendications des primes, le jour du match contre l’Argentine, l’ambiance était plutôt calme dans la tanière. Nous avions trouvé un terrain d’entente avec les dirigeants, et notre esprit était tourné vers le match. Nous sommes allés intimider les Argentins dans leur vestiaire. Nous avions notre heure et notre espace pour commencer l’échauffement, mais nous n’avons respecté ni l’heure, ni l’espace. Nous sommes entrés dans le vestiaire réservé à l’Argentine et les avons chassés. Ils ont commencé à prendre peur. Maradona n’est pas arrivé avec le reste de l’Equipe. Il est arrivé seul, entouré de ses gardes de corps. Toute l’équipe était bien préparée et tous les joueurs étaient sereins. Chacun connaissait sa place. La seule polémique qui aurait pu exister, c’était entre Jojo et Thommy ((Joseph Antoine Bell et Thomas Nkono, ndlr). Mais deux jours avant aussi, tout avait été réglé. Il fallait jouer ce match avec toutes nos forces, et tout le monde sait comment cela s’est passé. Avec deux cartons rouges, les réflexions ont commencé. Qui va entrer dans le onze-entrants prochain ?  Alors que cinq jours nous séparaient du prochain match, c’est seulement le matin du match contre la Roumanie qu’on m’informe que je serai titulaire.

Trente ans après, on est fier de ce que nous avons fait pour le football, pour notre pays, pour notre continent, pour le monde entier. Nous disons MERCI au peuple Camerounais qui nous a accompagnés. Il y a des ministres qui passent dix années de fonction, mais on ne les connait pas à l’étranger. Aujourd’hui, notre pays s’identifie à un footballeur (Roger Milla), c’est une fierté. Pour le 30ème anniversaire, nous avions prévu un match contre l’équipe du Sénégal, mais c’est la covid 19 qui a empêché. Mais nous tenons à jouer cette rencontre, la fédération Sénégalaise de football est déjà d’accord pour ce match historique. Plusieurs orphelinats vont nous voir passer, pour la célébration de ces 30 ans d’entrée dans l’histoire.

Propos recueillis par David Eyenguè