Jean Paul Mognemo. Le Directeur Technique National de la fédération Camerounaise de Boxe revient sur ses trente années au service du noble art, avec des succès éclatants comme celui de Francis Ngannou.

La dernière victoire de Francis Ngannou a ramené au goût du jour la discussion sur sa vitesse. De tous les avis de professionnels du noble art et des autres  sports de combats, la vitesse du Camerounais n’est pas celle d’un poids lourd, et Jean Paul Mognemo l’a confirmé : « La vitesse d’exécution de Francis est celle qu’on retrouve chez les boxeurs de petites catégories. C’est ce qui fait sa très grande force ». Cet entraineur Camerounais est le formateur de la star mondiale de MMA, engagé depuis 30 ans dans la boxe au service des jeunes compatriotes. Toujours très effacé, et pourtant il a un parcours atypique et un palmarès appréciable. Arrivé dans la boxe par son père, il y a une cinquantaine d’années : « Mon père, Dieudonné Kamwa (qu’on appelle Mawa) a boxé. C’était le premier boxeur médaillé d’or aux jeux des tropiques en 1960 à Antananrive à Madagascar, ceux qui sont devenus les jeux de la Francophonie ». Ce natif de New-Bell dans le 2ème arrondissement de Douala, capitale économique du Cameroun, est passé par plusieurs autres disciplines avant d’arriver à la boxe : « j’ai grandi dans un milieu multisports. J’ai d’abord joué au football dans Union de Douala chez les  juniors, Unité de Douala, Aigle de Dschang. J’ai aussi fait du judo où j’ai fini ceinture noire.  Je jouais au football, je boxais. J’ai fait du judo parce qu’il n’y avait pas la boxe aux jeux scolaires. J’ai donc fait du judo pour m’amuser, mais ma discipline de prédilection était toujours la boxe ».

A cette époque, Jean Paul Mognemo qui a hérité du surnom de son père (MAWA) est élève au secondaire et déjà champion du Cameroun de sa catégorie. Bien connu dans les milieux de sports, mais toujours élève au lycée technique de Koumassi dans le 1er arrondissement de la ville de Douala. Ce qui est incroyable aux yeux de certains, car les boxeurs pour la plupart sont des délinquants sans éducation. Vint alors un enseignant d’éducation physique à Douala, Me Hanag Tonye qui l’oriente vers  l’Institut National de la Jeunesse et des Sports (INJS) cette école de formation d’enseignants de sports : « Au secondaire, j’étudiais en mécanique automobile. Quand on affecte à Douala le premier optionnaire de boxe Me Hanag Tonye, il est surpris de me trouver. Dans l’imagerie de tout le monde, les boxeurs ne sont pas allés à l’école. Ils m’a donc  conseillé de faire le concours de l’INJS et je suis entré en 1983. Pendant que j’étais étudiant à l’INJS, j’avais déjà mon école de boxe qui a d’ailleurs formé un champion du Cameroun alors que j’étais encore étudiant. Un champion dans la catégorie des mi- mouches, ONAKO Martial à cette époque.

 

Jean Paul Mognemo est le premier boxeur qui entre à l’INJS pour faire option boxe et le ministre des sports lui exige d’arrêter de boxer pour devenir l’entraineur des jeunes : « Je boxais et j’entrainais, à l’époque, le ministre des sports, le Sultan Mbombo Njoya  m’a dit : Non, Monsieur. Quand vous finissez avec l’école, vous arrêter de boxer. Vous devez être entraîneur. On ne peut pas être à la fois dans le ring et au bord du ring. Je sors de l’INJS en 1986, et je   bénéficie de quelques bourses de formations comme Moscou pour la spécialisation, puis Tunis où je suis allé pour finir mon stage d’entraineur de boxe, à l’époque Tchuem et moi avons fini entraîneur de 3ème degré. C’était le plus haut grade dans l’entrainement en boxe, et nous étions les seuls Camerounais à obtenir ce diplôme. J’ai  travaillé à Bamenda, puis à Buea dès ma sortie d’école, puis J’ai été affecté au lycée d’Akwa-nord en 1990, et ensuite au lycée Joss où j’ai enseigné jusqu’à ma mise à la retraite ». Pendant ses  plus de 30 ans de  présence au bord du ring, il a formé  de nombreux boxeurs devenus champions du monde : « Quand je suis arrivé, j’ai commencé avec la petite méthode. Je prenais les enfants de 10 à 16 ans, et parmi ces enfants, nous avons eu les boxeurs comme Hermann Ngoudio, Hassan Ndam pour ceux-là qui ont été champions du monde. J’ai eu aussi les boxeurs qui ont été champions d’Afrique chez les professionnels comme Tessia Bertrand (alias Water Bele), j’ai eu Bika Sakio, le champion du mode du Contender qui est  aujourd’hui en Australie, Takam Carlos champion du monde en lourds (WBO et WBA), Césaire Rivan, champion du monde intercontinental, Antoine Boya, champion d’Europe des Lourds-légers, Moulema Joseph, médaillé d’or aux jeux africains, Emmanuel Fezeu, champion d’Europe des poids moyens et quelques-uns qui ont fait les championnats du monde et qui ne l’ont pas gagné. Notamment Tefouet Dieudonné qui a discuté le championnat du monde en Pologne. Ils sont nombreux qui sont passés par moi, Mbema Moïse qui est arbitre international de boxe et qui a déjà officié lors des jeux olympiques ». Le Cameroun doit aussi à ce fils, la formation de la toute première équipe de boxe féminine : « C’est moi qui ai fait la première équipe des dames de boxe du Cameroun. J’étais donc le premier entraîneur national de cette équipe avec laquelle nous avons remporté les premières médailles d’or au premier championnat d’Afrique en 2010 à Yaoundé avec 3 médailles d’or, une médaille d’argent et trois médailles de bronze ».

Jean Paul Mognemo, lors d’une séance d’entrainement à la salle l’unité de New Bell ce 1er juin 2020

Entraîneur régional de boxe du Littoral, puis entraîneur national des messieurs puis des dames, Jean Paul Mognemo est  le Directeur Technique National  (DTN) de la fecaboxe depuis 2015. A son palmarès,  avec nos équipes nationales, il compte de nombreuses médailles remportées avec ses poulains dans toutes les grandes compétitions continentales et mondiales, des jeux africains aux jeux olympiques, en passant par les championnats d’Afrique et les championnats  du monde. Avant le confinement mondial, Mawa était à la tête de l’équipe technique qui a fait qualifier trois boxeurs Camerounais pour les Jeux Olympiques de Tokyo, c’était lors  du dernier tournoi qualificatif des jeux olympiques qui s’est déroulé à Dakar au Sénégal en février 2020.  Mais la dernière actualité qui ramène en surface le nom de Mognemo, c’est la victoire en 17 secondes par KO  de  Francis Ngannou qui a été pendant quatre ans,  en formation avec Jean Paul Mognemo qui lui a transmis les premières notions de boxe qui font  de lui aujourd’hui,  le « Prédator » bien connu : « On me l’a emmené très jeune, il avait entre 20 et 21 ans. Pendant quatre années, je le préparais pour la relève.  Mais quand les autres sont partis pour les jeux olympiques de Londres, il est parti lui aussi, et nous tous ne l’avons revu que déjà au sommet du MMA mondial ». A 60 ans (juin 2020), Jean Paul Mognemo continue de donner de son énergie pour les jeunes boxeurs Camerounais tous les lundis, mercredis et vendredis au centre de jeunesse de New-Bell, à la salle de l’unité rebaptisée Dr Kuissi Martin.

David Eyenguè