Détournement. Union – Bamboutos, le dernier match de football  le plus populaire  avant la fermeture du stade de la Réunification avait fait une recette ‘’déclarée’’ de près de huit millions de francs cfa.

 

Nous sommes en 2014.  Après avoir purgé une peine en division inférieure, Bamboutos de Mbouda est réhabilité en ligue 1 du Cameroun par le président de la Ligue de Football Professionnel du Cameroun (LFPC). Le championnat va se jouer cette année-là avec 19 clubs. Galvanisés par ce retour en force de leur équipe sortie de « la tombe injuste » dans laquelle les dirigeants les avaient précipités, les supporters de Bamboutos décident d’accompagner leur équipe partout, en contribuant à l’achat des billets d’entrée au stade, meilleur moyen de financer aussi selon eux. Tous les matches de Bamboutos sont des occasions de pleins des stades, et les adversaires se délectent des recettes. Coton sport de Garoua, le champion sortant (2013) est alors le premier adversaire à Mbouda pour un stade plein à craquer. Il est programmé lors de la 5ème journée, les matches Douala Athletic Club 2000 contre Coton Sport de Garoua et Union  contre Bamboutos à Douala. Selon le règlement, l’équipe la mieux classée au moment de la programmation doit jouer le dernier match. Coton alors champion sortant et leader du championnat après quatre journées, bénéficie de ce privilège de jouer en deuxième rencontre face à DAC 2000 son adversaire du jour.

Franck Happi, le président du conseil d’administration  (PCA) de l’Union de Douala est vice-président de la LFPC, et impose que son match contre Bamboutos (la vache à lait) soit programmé le dimanche 23 février 2014, et fait renvoyer à lundi, le match DAC 2000 – Coton Sport après l’avoir programmé le samedi d’avant. Les plaintes d’Esaie Ngalle Nemangou, le président de DAC 2000 n’auront pas servi à grand-chose malgré le soutien de son homologue président de Coton, l’actuel ministre de l’agriculture, Gabriel Mbaïrobé. Des manigances sordides, à cause de la recette qu’il veut pour son équipe à elle seule. Union finit par réussir le coup de force d’être programmé tout seul le dimanche, et le stade est plein à craquer.

Les autorités en charge du contrôle des entrées du stade (le directeur des stades de l’époque, Mayou Ndam Arouna et le PCA de l’union) font annoncer 20.000 spectateurs, et une recette de 7.751000 Fcfa (sept millions sept cent cinquante un mille francs) pour ce Union-Bamboutos (1-1). Les associations des supporters de Bamboutos ont répertorié environ 14000 billets achetés pour aller regarder leur équipe, qui n’avait récolté que 1.200.000 Fcfa, représentant les 20% de la recette réservée aux visiteurs, défalqués des impôts. Les supporters des Mangwa Boys avaient alors crié au double détournement (du nombre de spectateurs qui découlait sur la recette du match), mais aucune autorité, ni du ministère des sports, ni du ministère de la justice, ni de la LFPC à l’époque n’avait mené aucune enquête pour ramener la vérité. Le travail de la presse responsable avait été balayé d’un revers de la main, certaines plumes qualifiées de rebelles devraient d’ailleurs être coupées de la source d’informations LFPC.

DAC 2000 avait  refusé de jouer son match le lundi, et ne l’avait plus joué. Il a été frappé d’un forfait et d’un retrait de points dans son classement général. Un retrait de points qui l’a même fait descendre aux enfers de la deuxième division, et le club continue d’ailleurs sa descente aux enfers. Il est en difficile posture en championnat régional du Littoral, toujours accompagné du dégout de son ambitieux promoteur qui peut abandonner à tout moment. Cette histoire avait créé un désamour total  des amoureux du football de Douala,  la capitale économique qui avaient décidé de vider les gradins.

Les supporters de Bamboutos de Mbouda ont eux-aussi, décidé de ne plus venir au stade, ou de ne plus acheter régulièrement leurs billets d’entrée pour assister aux matches de leur équipe. A la corruption qui était déjà légion, s’est ajouté  l’impunité des dirigeants qui tuaient le football à ciel ouvert, pour un vide que nous constatons aujourd’hui dans nos stades de football. Ces dirigeants encore vivants, sont les premiers à clamer que leur club n’arrivent plus à totaliser trois millions de recettes des stades par an, une somme qu’ils gagnaient dans une seule rencontre de football, pas plus loin qu’il y a six ans. Oui, cela s’est passé en 2014 et pas en 1900.  Il n’y a que six ans. Un stade à 20.000 spectateurs (déclarés selon leurs envies de détournement), une recette de match  à presque huit millions de nos francs, une équipe sacrifiée à la descente aux enfers au gré des intérêts égoïstes de certains, et on nous parle de vide dans les stades à cause du mauvais spectacle ? Quatre  semaines après le scandale, le vide constaté du stade de la Réunification a poussé le ministre des sports  à envoyer le directeur du stade à la retraite (rien que ça, pour un fonctionnaire qui avait dépassé de trois ans l’âge de départ à la retraite) , et le faire remplacer le 8 avril 2014.

Plusieurs dirigeants de notre football ont souvent usé de leurs positions relativement favorables à un moment donné avec les organisateurs des championnats, pour « tuer » la poule aux œufs d’or, le douzième homme. Un public qui, confronté au manque de respect de nos dirigeants, a choisi de tourner le dos, et d’offrir le huis-clos savamment recherché par ces dirigeants véreux.

Les supporters de Bamboutos de Mbouda, pour leurs 14000 billets d’entrée achetés ce 23 février 2014, n’auront fait entrer à leur équipe qu’environ quatre-vingt-six francs (86 f cfa) par personne. Leur choix de ne plus venir engraisser les équipes adverses pouvait donc être compréhensible, et le principal  dirigeant du club hôte (en même temps dirigeant à la LFPC) s’était frotté les mains ce soir-là, mais ignorait qu’il contribuait à vider les gradins de nos stades pour plus de dix années.

David Eyenguè