Can féminine Maroc 2022. La jeune joueuse de 17 ans vient de décrocher un contrat avec le club professionnel de Reims en France, après la bonne prestation affichée au Royaume Chérifien.
« Il faut parfois rêver grand ». C’est ainsi que commence notre entretien avec celle qui nous avait dit des heures plus tôt qu’elle n’aime pas les caméras, qu’elle ne peut pas supporter de parler devant un objectif, et qu’elle se sent mal en point devant des objectifs. Et pourtant, la jeune fille de Mimboman va s’installer et se livrer à notre entretien, avec l’intelligence qui transpire déjà de son jeu sur les pelouses, malgré son jeune âge. La fille née le 17 septembre 2004 à Yaoundé, confirme que ses parents viennent d’une région où le football est une identité remarquable : « Ma mère s’appelle Ngo Nkoumouk Alvie, et mon père s’appelle Ngock Emile Bernard. Mon père est de la Sanaga Maritime, et ma mère est de Omeng ».
Celui qui est aujourd’hui un retraité, après une carrière en technicien de laboratoire avait avait déjà offert une certaine liberté de choix à ses enfants, et Monique Ngock l’a eue, très tôt, après son année de maternelle : « dès la fin de mon année de maternelle, mon père m’a demandé de choisir entre la section anglophone ou la section francophone pour continuer l’école. Et comme mes deux grands frères ont fait la section francophone, j’aime toujours être à part, j’ai dit : Papa, moi je vais faire la section anglophone ».
Troisième née d’une fratrie de six : « Nous sommes six : deux garçons et quatre filles. Je suis l’aînée des filles, troisième née. Un de mes grands frères est étudiant en BTS et le premier est en Italie, il joue la série C, footballeur aussi », elle va néanmoins avoir le petit veto pour le football qui est sa passion : « Il y a toujours eu, comme ailleurs, un combat pour que j’aie mon visa pour le foot. Mais, moi j’ai eu la chance, Papa n’était pas contre mon choix de jouer au football. Mes parents m’encouragent beaucoup, mais, me conseillent toujours d’aller d’abord à l’école jusqu’à un certain niveau. Prends d’abord le Bacc, après, tu auras ta liberté. Il y a de cela deux ans ( en 2020, ndlr), j’ai eu mon baccalauréat (GCE advance level, ndlr) au lycée bilingue de Mimboman, mais pour le moment, j’ai d’abord suivi la voie du sport ».
Le football que la jeune fille pratique en demi-teinte, depuis le centre de formation de jeunes filles d’une entrepreneure dame qui lui a mis le pied à l’étrier : « J’ai commencé dans AS Grady de Mfou, du coach Ndoumou Mike. Et puis, je suis allée au Canon Filles de Yaoundé en deuxième division et nous avons fait monter le Canon en première division en 2019, et après, je suis allée à Sa’a dans Eclair de Sa’a. Je n’ai pas signé de contrat à Sa’a, je joue comme ça, et je ne sais pas le temps que je vais y mettre, mais on verra bien ».
Une couverture de balle impressionnante sous le regard admiratif de Ngo Mbeleck, face à la Tunisie Credit photo FLASH KAMER PHOTOGRAPHY
Ce temps-là, celui de l’Eclair de Sa’a, Monique Ngock le voyait déjà derrière elle au moment de cet entretien, elle qui a été la révélation de cette CAN Féminine au Maroc et qui a de nombreuses sollicitations, mais qui refuse de balancer un nom. Celle qui n’avait jamais porté le maillot d’une sélection inférieure pendant une grande compétition, a fait le grand bond directement avec les A et dans la plus grande compétition continentale : «J’ai fait les équipes nationales U 17 (qualifications pour la Coupe du Monde de la Catégorie non terminées à cause de la pandémie), U 20 (éliminatoires pour la Coupe du Monde, et éliminé par le Nigeria) et les seniors ». Une compétition qui a été éclaboussée de son talent, grâce à un homme qui lui a fait confiance : «Gabriel Zabo a vu en moi quelque chose, et m’a donné une chance de m’exprimer chez les A, je lui dit grandement merci.
Au début, je me sentais un peu frustrée. Je me disais : merde ! Ces professionnelles ! Parce qu’on connaît le niveau de football à l’étranger et qui est différent du nôtre. On sait qu’il y a encore beaucoup d’écart, mais je n’avais pas peur. Je me sentais frustrée en me demandant si j’allais pouvoir arriver à leur cheville, mais je me disais que je suis là, ça passe ou ça casse. On donne tout pour ne pas avoir de regrets demain. On doit faire valoir son talent, et ne pas oublier qu’on est là pour apprendre. Et c’est une grade opportunité, d’apprendre auprès des grandes joueuses comme ces professionnelles de notre équipe nationale ».
Ngock Monique a fait mieux qu’apprendre, elle a frappé aux yeux de dirigeants d’une équipe qui évolue en première division en France, le FC Reims où elle a paraphé un contrat de trois ans. Avant même d’avoir signé ce contrat, elle faisait déjà une lecture de sa CAN à elle : « Ma CAN, c’est Incroyable !
Je crois que j’ai fait de mon mieux, pour écrire mon nom, en gardant toujours la tête haute.
En sport, on ne peut pas tout prévoir, on ne peut pas tout éviter, j’aurais évité le deuxième carton jaune, celui que j’ai eu contre le Togo et qui m’empêche de jouer contre le Nigéria. Et c’est là que je pense qu’on a réclamé ma présence ».
Même si elle a pour idole l’ancien milieu de terrain des Lions Indomptables Marc Vivian Foé de regrettée mémoire, elle pense à écrire sa propre histoire : « Au quartier, on m’appelle le 18, comme c’est mon dossard fétiche. Chez les Lions mon idole de tous les temps, c’est Marc Vivian Foé. Mais, chacun son nom, à chacun son histoire. Il a écrit son histoire avec son nom, j’aimerais aussi écrire mon histoire à ma manière, avec mon nom ».
La joueuse de 165 centimètres a encore du temps pour sa croissance naturelle et professionnelle. Mais avant de faire le grand bond en avant, elle a tenu à laisser un message au Cameroun à une entreprise et à ses camarades du championnat national féminin : « Merci à la Guinness Super League qui fait tout pour diffuser nos matches, et elle nous accorde cette visibilité, ce qui m’a permis d’être appelée à l’équipe nationale. Pour mes sœurs de la Guinness Super League, je leur dit : rien n’est impossible, seul le travail paye. On reste dans le travail et dans la prière, continuez à travailler, le seul chemin qui est vrai, c’est celui du travail. Croyez en vous, croyez en vos rêves, vous y arriverez, vous avez des capacités ».
Monique Ngock va attendre d’avoir certainement ses 18 ans en septembre pour rejoindre officiellement son nouveau club en France en qualité de joueuse professionnelle, mais n’a pas arrêté de nous marteler, pendant notre entretien, entre deux réponses aux questions : « Il faut parfois rêver grand ».
David Eyenguè, à Casablanca