Un camion semi-remorque transportant 40 tonnes de riz s’est retrouvé, les quatre fers en l’air, en travers de la chaussée au lieu-dit carrefour Nkankanzock, à 5 km d’Edéa ce samedi 20 février 2021.

Il est 7h 06 mn, lorsque sorti de notre véhicule après une longue attente de plus d’une heure dans un embouteillage, nous tombons nez à nez avec Sylvain Bieta, un jeune chauffeur de camion, très remonté et couché sur le capot de son véhicule : « Je suis bloqué ici depuis plus de 90 minutes. Je suis parti de Douala à 4h, avec l’espoir de traverser la ville de Yaoundé avant 9h, comme je vais au Tchad. Les embouteillages sur l’axe-lourd, c’est souvent arrivé, et on peut passer trois à quatre heures sur place. Voilà les aléas souvent rencontrés, et certains patrons ne comprennent pas. Surtout quand il n’y a pas de journalistes pour relater les faits. Plusieurs de mes collègues ont perdu leurs boulots à cause de ce genre de situation ». La crainte de ce jeune transporteur a semblé prendre un coup de léger, quand il a remarqué que nous faisions un reportage qui sera son témoin.

Deux kilomètres plus loin, un accident est survenu : sur une chaussée un peu glissante à cause d’une fine pluie, un camion a perdu la direction et sa remorque s’est affaissée sur la chaussée, gardant sous la bâche, les 800 sacs de riz qu’il transportait. De part et d’autre de ce camion qui a barré toute la largeur de la chaussée, certains chauffeurs se sont frayé un chemin pour traverser. Mais l’incivisme et le manque de patience va rapidement bloquer toutes ces issues. La chaussée est embouteillée de part et d’autre de la barrière, et personne ne peut plus faire plus de 200 mètres. L’endroit devient un lieu de rencontres de plusieurs usagers qui ont décidé de quitter l’une des deux villes pour une activité dans l’autre : « Nous sommes bloqués par ce carambolage et la voiture qui nous emmène à Yaoundé est à deux kilomètres de cet endroit. Partis de Douala à 5h du matin, nous voici bloqués non loin d’Edéa à 8h. Quand on sait que nous avons fait une heure de route pour arriver ici, vous pouvez faire la différence. Cela fait deux heures que nous sommes là. La réunion de concertation entre journalistes sportifs convoquée pour 11 heures sera repoussée à 13 heures à Yaoundé », nous confie Albert Atangana Fouda, ce vétéran journaliste qui allait sur Yaoundé pour une réunion. Eric Koiza, lui est entraineur d’athlétisme : « Je suis en train d’aller sur Douala, pour le premier jour du meeting interclubs d’athlétisme qui se déroule au stade de Japoma. Je suis parti de Yaoundé aux alentours de 5h 30, et j’espérais arriver à Douala Japoma à 9h30. Mais c’est cuit ! Je crois qu’en plus de l’attente que nous avons déjà subie, nous ne partirons de cet endroit qu’environ après 10h, quand on aura dégagé toute la route. Alors que mes athlètes sont engagés dans le meeting, je ne pourrai que vivre la deuxième partie ».

 

 

Un patriote venu de la DSP, entre en jeu

Il est gendarme en service à la Direction de la Sécurité Présidentielle (dsp), l’adjudant Hans Bezanga qui prend les opérations en mains. Il impose à un grumier transportant des billes de bois de tracter le camion barrière, et met en contact le propriétaire du camion qui porte du riz, avec les riverains, pour enlever la cargaison de la chaussée. Après trois bonnes heures, les 800 sacs de riz sont mis sur le bas-côté de la chaussée, et la circulation peut à nouveau reprendre. Alors que Hans Bezanga essaye de trouver une solution pour tout le monde, plusieurs personnes sont venues lui imposer d’ouvrir la voie dans un sens ou dans l’autre, parce qu’un procureur, un général ou un Commandant de Compagnie sont bloqués ici ou là. Malgré quelques pressions subies par certaines de ces personnes venues elles-mêmes après l’échec de leurs envoyés, l’adjudant ne fléchira pas et va faire exécuter son plan de libération de la chaussée, du début à la fin, avant de nous avouer : « je suis aussi de passage. Notre voiture a fait plus de deux heures sur place, avant que je ne constate que c’était une situation pareille. Je suis en service à la direction de la sécurité présidentielle à Yaoundé. J’ai juste aidé la nation, c’est mon devoir, pour que l’axe soit libre entre Yaoundé et Douala, après un accident causé par un semi-remorque. Je suis arrivé ici entre 4h et 5 heures ce matin, et l’opération a commencé à 6 heures, quand j’ai vu que c’était possible d’aider ». Une opération réussie, puisqu’à 9 heures et 04 minutes, l’axe-lourd Douala- Yaoundé reprend son court normal. Trois heures et plus pour certains de blocage dans l’embouteillage, des salles d’attente d’agence de voyage surchargées de passagers, des rendez-vous manqués ou ajournés, l’économie du pays a pris un coup de frein pendant une demi-journée ce samedi 20 février 2021, avec toutes les conséquences que cet embouteillage aura entrainées.  Quand on sait le flux de voyageurs entre les deux villes, surtout un jour de weekend, on peut se poser plusieurs questions sur l’autoroute longtemps annoncée, ou encore la vraie valeur de ce qui se fait appeler Axe lourd Douala-Yaoundé.

David EYENGUE